« Après nous le déluge, Les Temps modernes comme expérience antigénéalogique », de Peter Sloterdijk


« Après nous le déluge, Les Temps modernes comme expérience antigénéalogique », de Peter Sloterdijk

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« Après nous, le déluge. » Tel est le génial trait d’esprit improvisé par la marquise de Pompadour afin de préserver la gaieté de ses convives lors d’une soirée de 1757 à Versailles, alors que l’on venait d’apprendre la défaite improbable des troupes françaises face à celles de Frédéric II de Prusse. Ce mot, soutient Peter Sloterdijk dans un magistral essai, pourrait bien encapsuler l’humeur générale qui plane sur l’Occident contemporain. C’est qu’à l’époque des Lumières, elles-mêmes motivées par un christianisme laïcisé, s’accomplit une révolution psycho-politique qui « inspire aux Modernes la pensée la plus hardie, la plus incroyable, la plus inimaginable qui ait germé dans les cerveaux humains depuis que les ancêtres ont été expulsés du paradis » : le sentiment que les « événements les plus importants » sont encore à venir. Ce sont les fins et non plus les commencements qui orientent désormais l’humanité. Ce n’est plus la tradition, par laquelle une société se reproduit à l’identique, qui imprime sa tonalité mais l’appel — de jouissance et d’effroi mêlés — au nouveau. Ce n’est plus la parole des pères qui occupe l’avant-scène mais bien plutôt les désirs de leurs « enfants terribles ». Mais voilà, ce que nous avons pris l’habitude de nommer « progrès », Sloterdijk propose de le rebaptiser : « chute en avant » perpétuelle.